dimanche 20 septembre 2009

Ru

Petit vallon creusé par un ru

Ru naissant dans une flaque d'un chemin

(a) Un ru est un petit ruisseau. Ce sont les rus qui font la grande rivière. Ils sont ses tributaires, le plus souvent anonymes. Comme les serfs de jadis, ils n'ont généralement pas de nom. Ils n'ont souvent pas de trace sur les cartes de l'I.G.N. C'est pourquoi se sont surtout eux qui mouillent vos chaussures. La nature ayant eu la bonne idée de faire passer les rivières sous les ponts.

(b) Faire de la géographie ou faire du tourisme à l'échelle du ru exige de la résolution mathématique et de la résolution psychologique. Un ru d'aujourd'hui est parfois le vestige d'un ruisseau manquant d'hier. Du coup, le paysage, toujours différent, devient en outre signifiant. La cause de cette dégradation du ruisseau en ru est parfois fort lointaine (à l'échelle du ru). Ce peut être un effondrement (un graben) comme celui de la Plaine du Forez. L'agent de la transformation est généralement un autre ruisseau, à l'occasion d'une reprise d'érosion.

(c) Historiographie. Les paysans (les gens du pays) ont une connaissance non-écrite des rus. Faute d'écriture, leurs idées sur le sujet ne courent pas les rues. Il faut le talent de conteur d'un Henri Pourrat pour écrire l'Histoire des rus.

- "Si j'y trouvais le progrès des connaissances humaines, les degrés par lesquels les sciences et les arts se sont perfectionnés ! Mais point du tout. Cette partie de l'histoire, la seule vraiment intéressante, la seule digne de la curiosité du sage, est précisément celle que les compilateurs de faits ont le plus négligée ; infatigables narrateurs de ce qu'on ne leur demande pas, ils semblent s'être donné le mot pour taire ce qu'on voudrait savoir. Tandis que des vautours s'égorgeaient, des vers à soie filaient pour nous dans le silence ; nous jouissons de leur travail sans les connaître, et nous ne savons que l'histoire des vautours. (Jean Le Rond d'Alembert, "Réflexions sur l'histoire et sur les différentes manières de l'écrire")".

(d) "L'Histoire des rus", c'est comme une Histoire où il y aurait plus de paysans que de seigneurs. Cette Histoire serait plus précise. Elle serait indissociable de la Géographie. Elle serait probablement plus réaliste.

- "Ne vous élevez pas au-dessus de lui, vous autres qui vous croyez investis du droit légitime et imprescriptible de lui commander, car cette erreur effroyable où vous êtes prouve que votre esprit a tué votre coeur, et que vous êtes les plus incomplets et les plus aveugles des hommes !... J'aime encore mieux cette simplicité de son âme que les fausses lumières de la vôtre ; et si j'avais à raconter sa vie, j'aurais plus de plaisir à en faire ressortir les côtés doux et touchants, que vous n'avez de mérite à peindre l'abjection où les rigueurs et les mépris de vos préceptes sociaux peuvent le précipiter. Je connaissais ce jeune homme et ce bel enfant, je savais leur histoire, car ils avaient une histoire, tout le monde a la sienne, et chacun pourrait intéresser au roman de sa propre vie, s'il l'avait compris... Quoique paysan et simple laboureur, Germain s'était rendu compte de ses devoirs et de ses affections. Il me les avait racontés naïvement, clairement, et je l'avais écouté avec intérêt. Quand je l'eus regardé labourer assez longtemps, je me demandai pourquoi son histoire ne serait pas écrite, quoique ce fût une histoire aussi simple, aussi droite et aussi peu ornée que le sillon qu'il traçait avec sa charrue. L'année prochaine, ce sillon sera comblé et couvert par un sillon nouveau. Ainsi s'imprime et disparaît la trace de la plupart des hommes dans le champ de l'humanité. Un peu de terre l'efface, et les sillons que nous avons creusés se succèdent les uns aux autres comme les tombes dans le cimetière. Le sillon du laboureur ne vaut-il pas celui de l'oisif, qui a pourtant un nom, un nom qui restera, si, par une singularité ou une absurdité quelconque, il fait un peu de bruit dans le monde ?... (George Sand, "La Mare au Diable", 1846, chapitre II, Le labour)".

(e) "Ru" est aussi le symbole chimique pour le ruthénium.

(f) En Forez, les rus ont parfois le nom de "goutte".

(g) Toponymie et patronymie. Une ancienne forme de "ru" est "rieu" qui, au pluriel, a donné des patronymes comme "Rieux".

- "Sy chevaucha tant Gadiffer qu'à ung soir il s'embaty sus ung merveilleux pas, car le rieu d'une fontaine y couroit de tel randon que l'eaue avait cavé la terre sy en parfont qu'il n'étoit cheval
qui eust pu passer oultre, tant estoient les rives haultes. ("Le roman de Perceforest", vers 1340 ou "La tres elegante, delicieuse, melliflue et tres plaisante hystoire du tres noble, victorieux et
excellentissime roy Perceforest, roy de la Grande Bretaigne")".

(h) Voir Béal. Béal comtal. Goutte de l'Oule. Grange de Drayard. Probois. Traverse de Courreau. Trézaillette. Vizézy.

(i) Randonnées photographiques : "Béal du Sceytol", à Sauvain.

Aucun commentaire: